Le draule et la draulesse

Temps de lecture : 7 minutes

Le draule et la draulesse

I

C’est l’histoire d’un draule qui était d’Brizambourg

O l’était pas mauvais le draule, toute la semaine il travaillait

Ses amis ? Tous sont partis du bourg

Lui, il est resté avec ses parents qu’il ne voulait laisser

 

Il travaille et pourtant c’est à faire

Il est ponctuel et fait ce qu’on lui aurait demandé

Il n’a d’ambition que de vouloir être heureux sur ces terres

Le draule, chaque matin se lève et chaque soir il revient pour diner

 

Quand il débauche, il se renferme car nulle part il ne veut aller

Ne parlant pas beaucoup, il fait selon sa tête et son corps

Ses amis ? Il les voit quelquefois mais c’est pour mieux repartir après

Le draule, triste il reprend sa vie d’alors

 

Le draule accompagne ses pauvres parents

Il ne veut être un fardeau, il ne veut être seul

Partout, on les voit ensemble, lui toujours derrière avec ses sentiments

Il est pas mauvais l’draule, il n’a pas une sale gueule

 

L’histoire de sa vie s’écrit peu à peu

Le draule la voit défiler dans le bourg qu’est le sien

Seul il est et à ses choix il songe ce qu’il devient pour si peu

Il travaille, il vit, il était attrapé et approuve ce bien

 

Un dimanche, s’annonce un loto un peu plus loin

Il se dit que peut-être il veut voir ce qui se passe là-bas

Du côté de Matha, le draule se dit que ça peut l’occuper au moins

Le jour se fait et il se prépare

 

Le draule veut voir et se fait beau

Les parents se disent que le draule n’est pas mauvais

Des draulesses y en aurait à Matha pour le loto

Il parlerait le draule et des draulesses il verrait et connaitrait

 

II

C’est l’histoire d’une draulesse qu’était d’Macqueville

Elle était pas mauvaise la draulesse, elle ne pouvait travailler

Ses amis ? Elle n’en a pas beaucoup. Avec tout le monde, elle est gentille

Elle n’a plus ses parents, elles les aimait

 

Elle n’a autre chose qu’à faire

Que de s’occuper toute la journée

Elle n’a d’ambition que de vouloir vivre sur ces terres

La draulesse, chaque matin se lève et chaque soir elle regarde la télé

 

Quand elle pense toute la sainte journée, elle fait rien, elle veut travailler

Elle reste chez elle, elle n’aime pas trop aller dehors

Ses amis, elle les voit plus car ils ont une vie pas tout près

La draulesse, elle n’en veut à personne. Elle est comme ça dans son corps

 

La draulesse n’a plus ses pauvres parents

Elle a bon cœur, elle veut plus être seule

Elle se trouve pas belle, elle est avec ses sentiments

Elle n’est pas mauvaise la draulesse, elle a pas une sale gueule

 

L’histoire de sa routine s’installe peu à peu

La draulesse la voit défiler dans le bourg qu’est le sien

Seule elle est et à ses choix elle songe ce qu’elle est pour si peu

Elle fait rien, elle cherche, elle est attrapée et approuve ce bien

 

Un dimanche, s’annonce un loto un peu plus loin

Elle se dit que peut-être elle veut voir ce qui se passe là-bas

Du côté de Matha, la draulesse se dit que ça peut l’occuper au moins

Le jour vient et elle se prépare pour aller à Matha

 

La draulesse se fait belle pour connaître des draules

Elle pense connaître un draule qui serait pas mauvais

Des draules, y en aurait à Matha pour le loto

Elle parlerait la draulesse et des draules elle verrait et connaitrait

 

III

Ya pourtant bien des gens qui sont allés à Matha

Des environs presque tous sont allés au loto

De Saint-Jean et de Néré, Haimps et certains de Cougna

Les gens ont passé l’après-midi, certains ont gagné des lots

 

Les gens ont vu des amis, la famille, presque tous étaient là

Ils se sont assis ensemble, de tout et de rien ils ont parlé

Ils passeront un bon moment, ils oublieront pas

Ils voient les bourriches et les lots, des cartons ils ont acheté

 

Les numéros sont tirés et le silence se fait

Certains n’ont pas de chance mais ils veulent gagner

Une ligne, deux lignes, un carton et on lève la main, ils ont gagné

Ça chuchote et ça regarde, ça rigole, on s’demande si certains ont triché

 

Comme ça toute l’après-midi, quelqu’un que l’on reconnait

On salue, on va voir les autres tables

Ça repart, d’autres numéros sont tirés

Le gros lot se fait en dernier, c’est recommandable

 

Une pause se fait, certains partent fumer, d’autres boivent un verre

Ça discute, le brouhaha se fait

Une part de tarte qu’ils vendent pour l’amicale qui ne date pas d’hier

Dans cette ambiance de campagne, on se plaît

 

Les draules, ils jouent avec d’autres sans se soucier

Ça chahute, certains les foudroient du regard, dehors, dedans

Y a des réprimandes, on les fait taire, le silence doit se faire et se fait

La salle des fêtes est un lieu de jeu, de découvertes pour mille ans

 

Le gros lot arrive, un voyage, un scooter ou une télé

Tous retiennent leur souffle, certains ont plusieurs lots mis de côté

Vingt numéros, il y en manque trois ou quatre, le numéro n’est pas tiré

Enfin un cri ! Des oh et des ah se font entendre dans la foule acclamée

 

Durant des heures jusqu’à tard le soir

Du côté de Matha les gens sont venus

Y avait le loto, les uns et les autres se disent au revoir

On se reverra, on prendra l’apéro, un coup de pineau sera descendu

 

IV

Le draule et la draulesse n’y sont pas allés

Les deux sont restés chacun de leur côté

Brizambourg,

Lui dans le bourg

Macqueville,

Dans la maison de ses parents, elle a pas voulu aller en ville

 

Lundi, lui travaillera dans les vignes, il fera pas beau temps

Mardi, elle regardera la télé car y a pas d’emploi pour elle

Mercredi, le draule se renfermera chez lui et ses vieux parents

Jeudi, la draulesse ne s’occupera pas d’elle

Vendredi, il s’assoira devant la maison

Et elle regardera la télé le soir et pensera qu’elle est con

Samedi, il accompagnera encore ses parents à Saintes ou à Cougna

Elle pensera qu’elle est pas faite pour ce monde et pleurera

Dimanche, il a pris un fusil et le draule s’est fait un trou

Portes et volets fermés, d’un coup de javel la draulesse elle aussi a un trou

 

C’est l’histoire de deux draules vivant dans nos campagnes

Les deux ont été oubliés par la société

On ne parle pas de ce mal de la campagne

Seuls, ils étaient dans leur corps et âmes oubliés

 

C’est la vie de deux draules qui ne sont pas connus

Ils auraient eu une vie tous les deux

Le draule, timide et avenant, il l’aurait pas fait cocu

La draulesse, gentille et intelligente, ils se seraient plu les deux

 

La solitude est une bien triste tare

Personne à qui se confier peut en amener un sous terre

Des monstres, il y en a toujours eu, pas ceux qui en ont marre

Des regards, des paroles, des gestes mais ils peuvent se taire

 

Le draule et la draulesse maintenant se connaissent

Ils n’ont pas mis longtemps pour se parler

Depuis longtemps, maintenant ils se connaissent

Une fleur sur leurs noms je mets pour ne pas les oublier

 

FIN

Chronique : Ciril le courlitous !