Le long de la Charente, de Chéronnac (87) à Port-des-Barques (17), une idée qui deviendra réelle
Je partirai de Chéronnac, là où notre fleuve nait et durant le premier jour, je traverserai les terres de Haute-Charente. Le baluchon sur l’échine, je verrai cette Charente comme une drôlesse et je ferai les premiers pas avec cette drôlesse charentaise jusqu’à Suris. Je traverserai cette campagne charentaise que je ne connais pas. Videix et Saint Quentin-sur-Charente seront là pour m’accueillir de leurs vieilles pierres et de l’histoire qui coule le long de notre fleuve charentais. J’espère en apprendre sur cette drôlesse et des personnes qui la voient dans cette partie chaque jour. Je veux apprendre les histoires qui en découlent et voir de mes yeux cette eau qui est n’est pas encore adulte.
La première nuit sera étrange et j’espère trouver le sommeil. Dans ma tente, je surveillerai les moindres bruits et j’ai peur d’écouter ce que je n’ai jamais écouté dans cette campagne qui m’est inconnue. Le lendemain, je reprendrai mon chemin.
Je partirai en direction d’Ambernac, au nord. Je prendrai les petits chemins, je caressai de mes pieds et de mes mains, la végétation qui m’entoure. Je souhaite rencontrer des gens pour qu’ils me racontent. Je veux écouter toutes sortes d’histoires. Tristes ou malheureuses, joyeuses et bienheureuses. Mon but est de voir cette drôlesse qui peu à peu deviendra adolescente. Quand ? Je ne sais pas. Je dois aller plus au nord. Je suis en Charente avec pour seule compagnie cette eau qui ne se presse pas.
J’espère trouver le sommeil durant cette deuxième nuit. Peut-être que ces premières nuits en bivouac me feront pleurer. Je ne suis qu’un simple homme qui veut être dans cet endroit et marcher le long de notre fleuve.
Le lendemain, je continuerai mon chemin. Alloue, Chatain et enfin Asnois. Je serai fatigué mais libre comme cette drôlesse qui me susurre à l’oreille des mots que je ne peux éviter d’entendre. Une campagne différente que je ne suis pas habitué à voir me tend les bras. Je suis compris par cette campagne et je la remercie. Je ne vois que silence et murmures par endroit. Je serai au milieu de bois, de champs et j’espère de vignes. Je marche dans le silence et je découvre la réalité campagnarde qui me fait défaut. Je connaîtrai l’histoire de ces villages que je traverserai. Je regardai les moindres détails pour mieux me souvenir. À l’ombre d’un arbre, j’écrirai et dessinerai. Je veux être comme ces anciens pèlerins que l’on ne voit plus.
La troisième nuit sera inconnue pour moi. Je ne sais pas comment je serai. Fatigué ou apeuré ? Heureux ou triste ? Je ne sais pas les sentiments qui seront face à moi mais je les accepterai car ma tâche n’est pas facile. La drôlesse devient peu à peu capricieuse et se révolte par moment. Est-elle sur le point d’être en rébellion avec moi. Je ne sais pas si la puberté est déjà là ou si je l’accommode par ma présence.
Je dois aller plus au nord pour voir cette eau qui traverse Charroux et Civray. Je suis dans le Poitou. Depuis quand ? Je ne saurai dire mais les pierres et les gens me reconnaissent car le vent a transporté mes pensées et ce que je fais.
Durant ces premières journées, j’aurai fait du chemin. Je veux découvrir la vie le long de la Charente pour en être son confident. Je souhaite rencontrer ceux et celles qui voudront me raconter. À tous les curieux et les curieuses, petit(e)s et grand(e)s, jeunes et vieux ou vieilles, je leur dirai qui je suis et pourquoi je marche à côté de la Charente. Je leur répondrai que je suis un simple homme qui marche le long de la Charente pour mieux la connaître. J’espère que le fleuve m’aimera comme moi je l’aime. J’espère découvrir ce que peu connaisse. J’espère voir ce que les oiseaux voient de là-haut. J’espère apprendre ce que l’on n’apprend pas dans les livres. J’espère écouter ce que le souffle du vent voudra me murmurer à l’oreille. J’espère être un témoin de son temps passé avec cette drôlesse qui deviendra au fil de ma marche, adulte.
Je veux, durant ma marche, être un connaisseur de vieilles pierres et de mégalithes, je veux être un rêveur créateur de forêts, je veux être artiste. Je veux découvrir le métier de forgeron, je veux être épicier ambulant. Je veux aussi être gabarrier, je veux être vendeur de crus. Je veux être un patoisant, je veux découvrir tout au long de ma marche ce langage qui s’est perdu au fil du temps. Je veux être tout ce que les passionné(e)s et autres corps de métiers voudront m’apprendre. Cette marche est pour apprendre et découvrir. Mon but est de connaître cette vie qui s’articule autour de notre fleuve.
Pour le moment, j’imagine comment je serai mais tout n’est qu’imagination car quand je partirai de Chéronnac, je saurai vraiment ce que c’est que de marcher le long de la Charente.
Après une halte d’une journée, je reprendrai ma route en laissant derrière moi ce Poitou qui m’a accueilli, moi, un gars des Charentes. Je ne saurai comment remercier ce Poitou dont une partie reste dans mon cœur. Je quitte Civray pour suivre cette drôlesse qui va en direction du sud. Saint-Saviol, Saint-Macoux, Voulême, merci beau Poitou, Taizé-Aizie, Condac. Que de merveilles pour voir encore. J’ai un devoir maintenant, celui de retranscrire ce que la Charente me confie.
Des rencontres qui me rempliront le cœur me feront oublier ma vie d’avant et future. Je veux rendre hommage à ces personnes qui m’interrogent sur la quête de ma traversée. Une quête diront-ils. Ce que je fais ne sera qu’une simple marche. Je ris de mes propos car je suis un simple homme qui aura comme compagnie la drôlesse charentaise.
Une autre nuit m’attendra et je commencerai à m’habituer à poser ma tente dans un endroit calme. Je dormirai presque immédiatement grâce aux bruits campagnards qui me chanteront une mélodie qui me plongera dans un sommeil réparateur.
Je quitterai Condac et je suivrai toujours le fleuve qui peu à peu se confie et me raconte des histoires. La drôlesse m’apprécie et me le fait savoir. Elle-même m’encourage à découvrir Verteuil-sur-Charente, Poursac et Aunac-sur-Charente. Je rentrerai dans ces villages la tête haute comme me l’a conseillé cette eau qui, peu à peu, trouve ma compagnie agréable. Les églises, les lavoirs, les moulins, les bâtisses de notre campagne charentaise seront devant moi. Je dessinerai ces pierres au calme. Je me mettrai à rêver d’un passé inexistant pour moi mais que je découvrirai. Des personnes me feront découvrir leur village. J’apprécie cette hospitalité. D’autres voudront un coup de main, me le feront savoir et j’accepterai. Je suis un homme qui aime aider. Je le ferai à condition de recevoir un simple sourire mais que personne ne me demande l’impossible car dans ce cas, je serai capable de le faire pour la simple raison que rien n’est impossible.
La nuit n’aura pas de secret. Je lèverai les yeux et découvrirai les mêmes étoiles. Je reconnaitrai les constellations à simple vue d’œil. La lune sera gironde et j’apprendrai à connaître ses secrets. La campagne sous sa lumière deviendra contes et légendes et je pleurerai de ce miracle que peu d’hommes peuvent voir. Un spectacle d’un autre temps.
Le lendemain, je démontrai la tente en un temps record. Après un café réparateur, je serai impatient de découvrir mon pays avec mon amie qui je crois est tombée amoureuse de mes propos et ma bonté envers les autres. Je ne voudrais rendre jaloux personne mais la drôlesse se dévoile, devient femme sans que je me rende compte. Moutonneau, Lichères, Fontclaireau, Mansle, Cellettes, Villognon, Ambérac. À chaque traversée de villages, des yeux se tournent pour voir celui qui marche. Je souris et je m’assois. Certains et certaines viendront me parler et d’autres me dévisageront.
Que mon pays est beau, que la Charente est belle à tout moment de la journée. Des larmes jailliront. Une personne me manquera, je dois l’avouer. Je devais faire cette marche avec une personne mais la vie est injuste avec ceux qu’on aime. Je lui ai promis de me souvenir. Je me souviens et tu me manques. Cette marche sera pour toi. Je suis fier de toi.
Marsac sera devant moi et enfin la moitié de ma marche sera faite.
Je mangerai ce que j’aurai, sans plus ni moins. Je suis Charentais, je me contenterai de peu. Je partirai avec des provisions. J’achèterai dans des commerces locaux, un pain, un peu de viande, deux ou trois boites de conserve. Peut-être qu’un food-truck sera dans tel ou tel village. Je me ferai plaisir et les yeux vers l’horizon, je mangerai. Que la vie est belle quand même avec ces petits riens qui rendent les hommes vaillants.
Je quitterai ce pays Angoumoisin et marcherai en direction du Cognaçais. La Charente, cette drôlesse que j’ai connue devient femme maintenant. Elle est belle sous les reflets du soleil. L’ombre des arbres me fait entrevoir ses courbes et ses ondulations. Qui n’est pas insensible à son charme ?
Je contournerai Angoulême et verrai Linars, Trois-Palis, Mosnac-Saint-Simeux. Je verrai ce que jamais je n’ai pu imaginer. Des villages où le temps s’arrête. Je resterai devant les merveilles que moi seul, je pourrai trouver. De nouveaux sentiments feront naître en moi de nouvelles émotions. Aucun mot ne pourra décrire ce que je ressens dans cette campagne où la Charente reste imperturbable.
Avant de quitter l’Angoumois, la nuit, la Charente me racontera le passé d’un autre siècle. Cette femme que je n’aurai pas su voir se transformer, me prendra dans ses bras. Nous ferons l’amour au fil de notre marche car maintenant, je sais que la Charente veut que je l’accompagne.
Vibrac, Bassac, Mainxe-Gondeville, Bourg-Charente, Saint-Brice. Les châteaux me souhaiteront la bienvenue et la Charente continuera de me raconter le passé que les livres d’histoire ne veulent pas raconter. Durant le passage dans ces villages et petits bourgs, je suis une curiosité. Je serai devenu un fou aux yeux des curieux qui m’interrogeront. Je ne suis qu’un simple homme qui marche le long de la Charente. Je répondrai que je veux connaître notre fleuve. Aussitôt ma phrase terminée, je lui ferai un clin d’œil.
Je suis chez moi, dans le Cognaçais. Mes yeux deviendront des miroirs où seule la Charente pourra voir ce que je ressentirai à ce moment-là. Les effluves de notre boisson cognaçaise me feront perdre les sens. Je me sens expédié à l’époque où les gabarriers naviguaient sur cette eau qui les transportait en direction de la côte. Je me vois transporteur de liqueur tellement les vapeurs du cognac embrume ma vision. Je chanterai des chansons que j’inventerai qui rendront gloire à ce pays Cognaçais. La question est si je vais traverser Cognac. Je ne sais pas, j’ai peur de voir ma ville de naissance. Cognac voudra m’accepter comme son fils, comme un roi ? Châteaubernard, Merpins, Salignac-sur-Charente seront devant moi.
Brives-sur-Charente, Rouffiac, Dompierre-sur-Charente, Courcoury me rappellent le pays Buriaud tout près. Le paysage ne sera pas si différent. Ici la Charente, là-bas l’Antenne. Les animaux sortiront de leur cachette et eux aussi me parleront. Suis-je devenu fou de vouloir cela ? Mon épouse qu’est cette Charente me répondra que je ne suis qu’un avec elle et son environnement. J’ai fait vœu de vouloir la chérir et de ne jamais l’oublier au moment de notre union sacré. Elle m’a promis de me montrer tous ses secrets. Je l’aime plus que jamais. Des vignes aux tons verdâtres que je caresserai en mémoire de mon pays Buriaud à deux pas, mais qui me sera interdit tant que je n’aurai pas accompli ma tâche.
Des personnages oubliés que je n’oublierai pas. Je dévorerai les livres de nos aïeux que je pourrai trouver et j’espère en trouver ou dans des brocantes ou dans des petites librairies bon marché. Une fois terminés, ces livres se poseront où sur une vieille pierre ou dans une de ses boîtes pour que d’autres puissent en profiter. J’écrirai les personnages de notre passé. Je rêverai la nuit où notre langage était précieux. Je me vois interprétant dans une fameuse pièce de théâtre. Des larmes couleront de mes yeux. Mon épouse me bercera de ses murmures et de sa tendresse qu’elle me témoigne. Elle a un secret qu’elle ne veut pas me confier. Depuis quelque temps, la Charente se tait et veut passer les journées main dans la main avec moi. Je la remercie de sa compagnie.
Je verrai à l’horizon Saintes et des souvenirs resurgiront dans la ville qui m’a faite homme. L’émotion sera présente dans mon être malgré la fatigue de ce que j’ai connu et pu connaître jusqu’à présent. Les Gonds, Saintes, Bussac-sur-Charente et Saint-Vaize où je passerai la nuit. Depuis quelques jours, je chante les chansons d’un de nos groupes saintongeais. Je me surprend à chanter en compagnie de musiciens sur une place de village. Des gens se regrouperont pour nous écouter et danser. La vie redevient comme avant, simple et heureuse avec des petits riens. La Saintonge est comme ça.
Je me poserai sur la berge de ma bien-aimée. J’ai quitté ce qui m’était le plus cher. Je suis revenu pour ne pas oublier ce que j’ai perdu. Je me cacherai sous les arbres et j’écrirai ce que mes émotions voudront me faire écrire. Ici, la Charente devient plus sombre malgré le soleil. Me dira-t-elle son secret ? Elle veut me le dire mais n’en a pas encore le courage. Se peut-il que tout ceci n’est qu’une illusion ?
La nuit, je repenserai à tous les monuments saintongeais. Mes rêves seront histoires et contes. Les gens que j’ai rencontrés seront trop nombreux pour les énumérer un par un. Je vous en suis reconnaissant d’avoir pu écouter vos histoires et vos connaissances sur les monuments que j’ai vus tout au long de ma route.
Ma marche est en train de se terminer. Je sentirai en moi les prémices de nouveaux sentiments. La colère de n’avoir pu faire cette marche avant. Le bonheur de l’avoir faite. Tout sera confus mais j’essaierai de les trier pour mieux les comprendre.
La Saintonge me tend les bras et la Charente devient nerveuse. Les effluves d’eau salée se feront sentir dans peu de temps. Taillebourg, Port-d’Envaux, Crazannes, Le Mung, Saint-Savinien me raconteront une autre histoire que ces lieux connaissent depuis toujours. J’écouterai attentivement les histoires que le vent voudra transporter au milieu des arbres. Les nuages apparaîtront pour me montrer des ombres passées. Les scènes que je verrai hérisseront les poils de ma nuque.
Une nouvelle nuit où ma bien-aimée ne me parlera pas. Elle est soucieuse et inquiète. Elle a essayé de me dire ce qui la tracasse, je le sens, mais elle n’est pas prête. Je la prendrai dans mes bras et lui dirai des mots qui la rassureront.
Le Mung, Geay, Romegoux, La Vallée et Saint-Hyppolite me feront oublier d’où je viens. Je suis dans une autre Saintonge qui veut me connaître. Les vieilles pierres sont piquées par endroit par la mer toute proche. De nouveaux personnes me feront face et me parleront. Je les verrai. Je ne suis pas fou, je verrai ce que mes sentiments voudront me faire voir. Je serai curieux comme tout au long de ma marche où j’ai pu découvrir mon pays charentais.
La dernière nuit sera une nuit d’au revoir. Au revoir les monuments que j’ai admirés. Au revoir les histoires que j’ai écoutées. Au revoir les personnages que j’ai connus. Au revoir à toutes les personnes qui m’ont soutenu. Au revoir la campagne que j’ai appréciée. Au revoir ma Charente, mon épouse, ma femme, ma bien-aimée. Tu vas embrasser la mer pour te fondre en elle. Je connais ton secret. Ne pleure pas pour moi, je serai fort. Je te mentirai pour que tu sois en paix avec toi-même. Tu sais que je te mentirai et tu me laisses faire. Merci pour ta compréhension. Nous faisons l’amour une dernière fois et cela prend toute la nuit. Notre dernière nuit ensemble.
Le lendemain, je marcherai en silence. Soubise, Saint-Nazaire-sur-Charente et enfin Port-des-Barques. Je pleurerai au fur et à mesure que j’arriverai à destination. J’ai assisté à ta naissance, je t’ai vue grandir. Tu es devenue femme et nous nous sommes plu. Tu es tombée amoureuse de ce simple homme que je suis. Je suis tombé amoureux de toi depuis que je t’ai vue. Des personnes familières m’attendront à Port-des-Barques. Je ne peux croire qu’un comité est là pour m’accueillir. Ce que je ferai n’est pas un exploit, c’est une simple marche. Je pleurerai de les revoir. Après les étreintes obligées, je m’avancerai seul pour un ultime au revoir. Tu ne meurs pas ma belle, tu revis dans l’océan. Je ne t’oublierai pas, je ne t’oublie pas. Je t’aime ma belle Charente.
J’imagine cette marche le long de la Charente et rien ne change dans mon imagination. Je veux accompagner ce fleuve que nous connaissons seulement par endroit. Je serai sujet aux intempéries, au silence, à l’inconnu. Rien ne me fera changer d’avis sur cette marche. Je veux la faire et la ferai. Mon équipement sera simple. Un sac-à-dos, une tente, un sac-de-couchage, un réchaud et son gaz, deux ou trois ustensiles, de bonnes chaussures de marche, quelques vêtements et ma motivation, sans oublier des rêves plein la tête. Bien sûr, l’itinéraire peut être modifié au gré des rencontres, des sentiments et des émotions que j’éprouverai. Je suis Charentais et je pourrai à tout moment de ma marche, prendre tel ou tel chemin, poser ma tente à tel ou tel endroit mais à condition de respecter mon environnement et la loi en vigueur pour bivouaquer. Je ne dégraderai en aucun cas cette campagne qui me manque tant. Je me fait déjà un plaisir d’accompagner cette Charente. Tout au long de ma marche à côté de notre Charente, je serai Saintongeais car je veux apprendre, découvrir et créer. Nous avons des personnages qui ont fait l’histoire, des personnages qui ont fait notre culture, des personnages que nous apprécions ou pas. Ce sont nos personnages. De Chéronnac à Port-des-Barques, je serai benèze d’être à côté de cette Charente que j’aime.
Je suis Charentais, Saintongeais et benèze et je suis qui je suis car je sais d’où je viens.
Chronique : Ciril le courlitous !